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Christophe Barratier (Les Choristes) : « Le Festival de la Baule est un festival populaire ! »

A l’occasion de la 11ème édition du Festival de Cinéma & Musique de Film de La Baule (du 25 au 29 juin 2025), la French Touch a rencontré son cofondateur, le réalisateur, scénariste et producteur, Christophe Barratier.

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PARIS, FRANCE - FEBRUARY 12: Christophe Barratier attends the premiere of Liaison at Cinema Publicis on February 12, 2023 in Paris, France. Liaison is available to stream from February 24, 2023 on Apple TV. (Photo by Stephane Cardinale - Corbis/Corbis via Getty Images)

Le Festival de La Baule est un événement culturel qui célèbre la rencontre entre le cinéma et la musique de film. Organisé annuellement dans la station balnéaire de La Baule, ce festival propose une programmation riche et diversifiée : projections de longs métrages, courts métrages, documentaires musicaux, films en avant-première et ciné classiques, ainsi que des soirées thématiques et des master class réunissant des professionnels et des passionnés du 7ᵉ art.

Outre les projections, le festival met à l’honneur la musique de film à travers des concerts inédits - cette année, Lambert Wilson rendra hommage aux grandes chansons du cinéma français - des rencontres, des expositions et d’autres animations qui permettent d’explorer les liens profonds qui unissent image et son. Dans le cadre du partenariat de la French Touch avec le Festival, quelques membres du Club Excellence de Bpifrance ont ainsi pu assister à la soirée d'ouverture en présence du jury, Diane Kurys, réalisatrice du film diffusé Moi qui t'aimais et l'équipe du Festival. Nous avons échangé avec le cofondateur de l’événement, Christophe Barratier, réalisateur, scénariste et producteur français reconnu pour son travail dans le cinéma contemporain (Les Choristes en 2004, Faubourg 36 en 2007, La Nouvelle Guerre des boutons en 2011…)

 

La French Touch : C’est la 11ème édition du Festival de la Baule. A quoi peuvent s’attendre les festivaliers ?

Christophe Barratier : Tout d’abord je pense qu’il est nécessaire de rappeler ce que nous entendons par « festival de musique de film ». Car, comme la plupart des festivals de cinéma, nous présentons des films inédits, qui ne sont pas encore sortis, et sont donc inconnus du public. Notre critère, pour mettre l’accent sur la musique de film, c’est que nous sélectionnons des œuvres dont la bande sonore a été composée au moins à 50% spécialement pour le film, et n’est donc pas faite uniquement de reprises ou de synchronisations.

La nouveauté pour les festivaliers cette année, c’est la soirée du samedi soir, que nous avons eu pour habitude de dédier à un compositeur, et qui sera donnée cette fois-ci par notre invité d’honneur, l’acteur, metteur en scène et chanteur Lambert Wilson. Il sera accompagné de trois instrumentistes, et interprétera les plus grandes chansons du cinéma français, pour célébrer les 130 ans du cinéma. Nous avons aussi consacré une exposition à Brigitte Bardot, à l’occasion de son 90ème anniversaire, qui est plus qu’une galerie photos car elle regroupe aussi des objets et accessoires lui ayant appartenu, et qui n’avaient encore jamais été présentés.

Le Festival de Cinéma & Musique de Film de La Baule repose entièrement sur une équipe de bénévoles et d’amateurs, sans prétention mais avec beaucoup d’exigence. Nous avons toujours tenu à qu’il puisse être fréquenté par tout le monde. Il n’est pas réservé aux professionnels, ni à une élite cinématographique, c’est un festival populaire, où l’on peut venir en famille, où l’on peut rencontrer les talents et les personnalités présentes, et cela va se poursuivre cette année.

Cérémonie d'ouverture du 11ème Festival de Cinéma & Musique de Film de La Baule

FT : Ce rendez-vous vise-t-il aussi à décloisonner, à faire se rencontrer ceux qui font le cinéma et la musique de film ?

CB : Oui, et j’en suis le garant ! Mon père Jacques-Henri Barratier, était assistant de Jacques Demy sur les films musicaux Les Parapluies de Cherbourg (1964) et Les Demoiselles de Rochefort. Je suis en quelque sorte né avec le cinéma de Jacques Demy, j’ai même une photo à deux ans dans les bras de Gene Kelly lorsqu’il a joué dans Les Demoiselles de Rochefort, dans lequel a aussi joué mon oncle, Jacques Perrin. Donc la musique de film a toujours fait partie de ma vie, je ne me suis même jamais posé la question !

Il faut se rappeler que dès sa naissance en 1895, le cinéma était muet, pas silencieux, il ne l’a jamais été ! Les premiers films, des œuvres de trois minutes que l’on présentait dans les fêtes foraines, étaient déjà accompagnés de musique. Et pas qu’un piano : un petit orchestre, deux ou trois musiciens, qui improvisaient suivant les images et leur donnaient un sens. Preuve qu’au cinéma, quand les mots sont absents, c’est la musique qui prend le relai. Et c’est encore vrai aujourd’hui, avec des films qui comportent de grands plans muets, et où bien c’est la musique qui permet de raconter l’intérieur des personnages et de développer la dramaturgie.

On peut aussi se souvenir qu’avant les DVD, le numérique et la possibilité de revoir les films chez soi à volonté, la seule manière de revivre les émotions d’un film que l’on avait vu, c’étaient les disques ! Petit je réécoutais ainsi des bandes originales composées par Ennio Morricone ou John Williams. Et puis il y a des compositeurs qui ont des signé des bandes sonores devenues parfois plus connues que le film lui-même, je pense à la musique du film Jeux interdits (1952), de Lawrence d’Arabie (1962) composée par Maurice Jarre, ou d’Il était une fois dans l’Ouest (1968) composée par Ennio Morricone : même ceux qui n’ont pas vu le film peuvent savoir duquel il s’agit.

Donc je lutte beaucoup en faveur de la musique de film, et surtout pour la musique originale. Je ne dis pas qu’il faut systématiquement la rejeter, parfois cela tombe bien, mais je ne crois pas en revanche, qu’il faille toujours faire de la musique de film en ayant la démarche d’exposer sa « playlist préférée », à la manière de ce qui a été amené par Quentin Tarantino et a été beaucoup repris en France. Je ne dis pas que c’est une démarche paresseuse. Mais j’ai toujours considéré qu’une musique et un film devaient s’unir, parfois même pour éviter trop de mots, et qu’il faut pour cela faire appel au compositeur, un métier que je considère intrinsèque au cinéma. C’est d’autant plus vrai que le métier de compositeur de musiques de film est très spécifique, et qu’il n’est pas accessible à tous les musiciens.

American actor, singer and dancer Gene Kelly (1912 - 1996) filming his latest movie 'Les Demoiselles de Rochefort' ('The Young Ladies of Rochefort') in Rochefort, France, 14th June 1966. (Photo by Reg Lancaster/Express/Hulton Archive/Getty Images)

FT : Comment cela se traduit-il ?

CB : Je pense que de plus en plus de personnes font de la musique, mais de moins en moins l’écrivent. Parce que les machines prennent le relai, et que la musique devient ininterprétable par quiconque sinon celui qui l’a faite.

Beaucoup de personnes sont capables de faire un très beau thème au piano et de faire appel à un arrangeur pour l’amplifier ou l’adapter. Mais ce qui est très difficile dans la musique de film, c’est d’intervenir sur des passages, les pastilles, où précisément aucun thème ne se développe, mais auxquels il faut quand même donner une nuance. Par exemple : un personnage s’en va mécontent, l’autre le regarde partir, et le musicien ne dispose que de quinze secondes pour appuyer sur l’émotion. Ces quinze secondes-là sont les plus difficiles car le musicien n’a pas le temps de développer, il lui faut apporter quelque chose, et qui soit en cohérence avec l’orchestration générale du film. Je travaille avec des compositeurs tels que Bruno Coulais ou Philippe Rombi, qui ont ce sens-là. Je n’en fais pas un combat mais je crois que dans notre métier, il fait se rappeler que l’on fait des choses issues de sentiments que l’on ressent pendant l’enfance, et moi ma collection de musiques de films était tellement sacrée que je souhaite continuer de soutenir ce métier. D’autant que les Français ont toujours été très bons dans ce domaine, avec huit compositeurs français oscarisés à ce jour.

FT Christophe Barratier Maurice Jarre

Maurice Jarre, compositeur français ici à Berlin en 1996, a remporté trois Oscars de la meilleure musique de film originale au cours de sa carrière : en 1962 pour Lawrence d'Arrabie, en 1965 pour Le Docteur Jivago, en 1985 pour La Route des Indes. (Photo by Alexander Stingl/United Archives via Getty Images)

FT : Vous dites que les machines prennent davantage de place, à quelles technologies pensez-vous en particulier ?

CB : Philippe Rombi, qui est un compositeur de formation classique et donc sait parfaitement écrire pour l’orchestre, utilise des maquettes via un logiciel, pour échanger avec les producteurs et leur donner une idée de l’instrumentation finale. Il va par exemple créer un thème au piano, et utiliser des samples de Hans Zimmer en prenant, dans des acoustiques différentes, plusieurs sons de violoncelle. Ce qui, grâce au logiciel, donne l’impression d’un orchestre. C’est d’une telle qualité, avec des progrès fulgurants chaque mois, que le producteur pourrait se demander : « à quoi bon enregistrer avec un orchestre ? ». Mais ce type de machines, je suis absolument pour, car cela permet de se rendre compte de ce que va donner le résultat final. Je pense qu’il faut s’en servir, être prudent, les accompagner, mais que le talent, le style et la personnalité gagneront toujours, quel que soit le style de l’agent artificiel utilisé.

FT : L’affiche du Festival de Cinéma & Musique de Film de La Baule suggère aussi la transmission entre les générations, est-ce votre objectif que de transmettre une passion pour la musique de film et le cinéma en général ?

CB : Oui nous œuvrons en ce sens, nous organisons systématiquement une séance pour les scolaires, avec un film destiné à un jeune public où le compositeur vient expliquer son processus créatif. Cela insuffle toujours beaucoup de curiosité, et c’est rassurant de voir qu’il y a un mouvement en ce sens : depuis environ vingt ans, les conservatoires ont intégré des classes spécifiquement dédiées à la musique à l’image. Et chaque année au Festival de la Baule, nous réunissons des lauréats de conservatoires partout en France, et leur demandons de créer une musique, sur un même film. A l’occasion des 130 ans du cinéma, nous leur avons demandé de travailler sur la version de L’arroseur arrosé, de Georges Méliès (1896), dont l’original est signé des frères Lumière (1895), et nous avons de formidables résultats, que nous que nous allons présenter. Cela me rassure aussi, quant à la pérennité de ce métier.

 

Retrouvez le programme complet sur le site du Festival de Cinéma & Musique de film de la Baule

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