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1083 : Les secrets de la relocalisation réussie du jean en France

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1083 Jeans

Il aura fallu dix ans à 1083 pour parvenir à relocaliser entièrement en France la filière textile dédiée à la fabrication de ses jeans. Un long parcours que détaille Thomas Huriez, fondateur de l’entreprise drômoise. 

C’est en 2007 que Thomas Huriez, qui travaillait jusque-là dans l’informatique, décide de « créer une activité qui a du sens » pour lui, et d’ouvrir une boutique de vêtements bios et équitables dans la Drôme. Un métier de commerçant dans la mode qu’il découvre et pour lequel il se passionne, mais qui le confronte après quelques années à une dure réalité. « Toutes les marques éthiques que je distribuais ont cessé leur activité une à une », se remémore Thomas Huriez.
Naît alors l’idée de fonder sa propre marque éco-responsable et très rapidement, de se concentrer sur un produit en particulier : le jean. « À l’époque, les vêtements éthiques étaient plutôt dans un style “baba cool”. Personnellement, je voulais toucher un large public, avec quelque chose que tout le monde porte, détaille l’entrepreneur. Et je trouvais ça aberrant de voir en magasin des jeans de marque à 100 euros et d’autres issus de la fast fashion à 30 euros, alors qu’ils sont fabriqués dans les mêmes pays, au Bangladesh, au Pakistan ou en Turquie. »

En 2013, à Romans-sur-Isère, Thomas Huriez lance ainsi 1083, dont le nom fait référence à la distance kilométrique entre les deux communes les plus éloignées de l’Hexagone (Menton sur la Côte d’Azur et Porspoder en Bretagne). Son pari ? Proposer un jean fabriqué en circuit court, 100% Made in France et éco-responsable. Après un premier financement participatif qui voit la marque vendre 1 000 jeans, au lieu des 100 prévus initialement, le fondateur de 1083 doit s’atteler à un défi de taille : reconstituer une filière textile de A à Z dans l’Hexagone. Challenge réussi après 10 ans de labeur pour l’entreprise, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros en 2022, en hausse de 10% par rapport à l’année précédente.

Du tissage au coton, en passant par les boutons

Trouver des fournisseurs, des confectionneurs et des tisseurs, réapprendre les savoir-faire, obtenir matériel et outils et dénicher les réparateurs adéquats… Le parcours de relocalisation a été « difficile mais riche en apprentissage », selon Thomas Huriez. Aujourd’hui, l’entreprise emploie 105 collaborateurs et travaille avec trois tisseurs (dont son propre atelier « Tissage de France » à Rupt-sur-Moselle), huit ateliers de confection et trois de coupe, mais également avec des partenaires inattendus : « Pour les boutons de jean, nous avons mis neuf ans à trouver une solution locale car l’emboutissage, la fabrication traditionnelle de cet accessoire, n’existait plus en France », explique le fondateur de 1083. La marque s’est alors rapprochée de Vallgrip, fabricant français de clous pour pneus d’hiver, afin de confectionner les boutons en détournant la technologie de frappe à froid.

En ce qui concerne la matière principale des jeans, tous les denim de la marque sont tissés en France, en coton bio ou fibres recyclées. Après 10 années de relocalisation, 1083 a même lancé cette année des jeans 100% français, jusqu’au coton, en associant économie circulaire et agriculture raisonnée grâce au mélange du coton recyclé à partir de vieux jeans et à la culture du coton dans le Gers et dans la Drôme. « La qualité est au rendez-vous mais les rendements sont modestes. En 2022, nous avons cultivé trois hectares, ce qui nous a permis de fabriquer 1 000 jeans en 2023, sachant que nous en vendons 50 000 par an, détaille Thomas Huriez. L’objectif est de changer d’échelle et relocaliser toujours plus notre filière au plus près de nos clients. »

Une filière décentralisée en cotte de maille

Pour se développer en France, la marque a choisi l’approche de la perma-industrie, qui copie la stratégie de production de la nature et l’un de ses fondements, la diversification. Elle s’appuie ainsi sur plusieurs dizaines de PME réparties dans l’ensemble du territoire, ce qui lui permet de développer une filière solide, de réduire les risques et de développer l’engagement de ses clients en produisant près de chez eux. « Nous avons construit une filière en cotte de maille et pas en chaîne, avec plusieurs partenaires pour chaque métier. Cela rend la filière plus résiliente, notamment dans le cas où un maillon casse », note l’entrepreneur.

L’entreprise parvient à vendre ses jeans à un prix moyen de 120 euros, en réduisant le nombre d’intermédiaires de la production à la vente, via ses cinq boutiques en France en plus de 125 points de vente partenaires et son site internet (qui représente 50% du chiffre d’affaires). L’objectif pour Thomas Huriez : continuer à grandir et à « se développer au plus près des clients » avec l’ouverture de deux nouveaux magasins à Marseille et dans les Vosges.

Malgré les difficultés conjoncturelles (hausse du coût de l’énergie et inflation), la relocalisation des filières textiles prend de l’ampleur en France. Et c’est une bonne nouvelle selon l’entrepreneur. « Un écosystème ne se construit pas avec un seul acteur. Plus nous rassemblons de consommateurs, d’ateliers, de marques et de commerçants, plus nous remplaçons une consommation de quantité qui ne profite pas à la France, par une consommation de qualité qui profite à tous », conclut le fondateur de 1083.

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