Simon Landry (Ubisoft) : « Ce Grammy facilite la création de nouvelles collaborations »
En février dernier, l’éditeur français de jeux vidéo Ubisoft a remporté le premier Grammy Awards dédié aux jeux vidéo avec l’extension d’Assassin’s Creed Valhalla : Dawn of Ragnarök. Pour la French Touch, Simon Landry le music supervisor du projet nous explique l’histoire de cette bande originale. Arrivé chez Ubisoft Montréal en 2008, Simon Landry a vu l’industrie des jeux vidéo se métamorphoser et s’accroître considérablement. En quinze ans, il a eu le temps de collaborer sur la musique de jeux…
En février dernier, l’éditeur français de jeux vidéo Ubisoft a remporté le premier Grammy Awards dédié aux jeux vidéo avec l’extension d’Assassin’s Creed Valhalla : Dawn of Ragnarök. Pour la French Touch, Simon Landry le music supervisor du projet nous explique l’histoire de cette bande originale.
Arrivé chez Ubisoft Montréal en 2008, Simon Landry a vu l’industrie des jeux vidéo se métamorphoser et s’accroître considérablement. En quinze ans, il a eu le temps de collaborer sur la musique de jeux iconiques comme Far Cry 3, WatchDogs ou encore de plusieurs titres de la série Assassin’s Creed. Aujourd’hui music supervisor, il était notamment responsable De la bande originale de la dernière extension d’Assassin’s Creed Valhalla: Dawn of Ragnarök.. Composée par Stephanie Economou, la musique de l’opus a été recompensée par le premier Grammy Awards dédié aux jeux vidéo.
La French Touch : En quoi la musique composée pour le jeu complète-t-elle l’expérience du joueur ?
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Simon Landry : Tout le monde était conscient que ce dernier chapitre (l’extension Dawn of Ragnarök, NDLR), devait être assez dramatique, théâtral, voire épique. Entre la lave, la glace et les combats, c’est une expérience presque shakespearienne qu’il fallait dépeindre. En règle générale, on a essayé de faire évoluer l’identité sonore qu’on retrouve depuis les commencements de la série Assassin’s Creed. L’idée était de donner à la bande-son une nouvelle teinte sonore et émotionnelle.
Pour ce faire, nous avons notamment intégré des influences black metal (musique originaire des pays nordiques, NDLR) avec des guitares électriques saturées qui se marient avec des instruments d’époque comme des harpes. Ce qui est intéressant c’est de s’inspirer de la musique de l’époque sans la singer, sans quoi la composition pourrait vite devenir lourde à l’écoute. Il faut offrir des productions modernes, c’est d’autant plus important que le joueur sera amené à entendre la B.O des heures durant. Pour moi, c’est vraiment la musique qui vient donner une âme supplémentaire aux personnages, et qui favorise l’immersion des joueurs.
“ Stephanie Economou appartient à une vague d’artistes émergents très prometteurs ”
LFT : Comment s’est passée la collaboration avec Stephanie Economou ?
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SL : Quand on commence un projet, je fais des propositions pour faire coïncider l’univers sonore au jeu. Je sélectionne quatre ou cinq candidatures de compositeurs, dont les antécédents musicaux semblent correspondre à la demande. Le nom de Stephanie est rapidement apparu, elle appartient à une vague d’artistes émergents très prometteurs. Dès que je recevais de nouvelles musiques, je me disais : « Wow, quel talent ! ». Puis, ses propositions ont beaucoup plu donc ça a tout de suite super bien accroché. Elle a su mixer de très belles performances vocales en y ajoutant la saturation d’un groupe de black métal qui est venu enregistrer en studio.
En plus, c’est une très bonne instrumentaliste et on lui doit aussi les violons et autres instruments à cordes frottées de la bande originale (B.O). Elle a même utilisé un Nyckelharpa (une sorte de violon typique qui se joue sur les genoux, NDLR). Tout ça participe à donner une couleur unique à sa production.
LFT : Quelles sont les étapes préalables à la création de la B.O d’un jeu ?
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SL : Une fois que les équipes créatives de développement ont atteint un niveau suffisant de maturité sur l’identité d’un jeu, ils nous contactent pour entamer la réflexion sur la direction musicale du projet. Généralement, cette étape a lieu deux à trois ans avant la sortie du jeu. Ça peut paraître long, mais il faut avoir en tête qu’un épisode d’Assassin’s Creed peut requérir entre deux et trois heures de musique. Dans le cas d’une extension de jeu, comme c’est le cas pour The Dawn of Ragnarök, le besoin est moindre puisque le gameplay est plus court. Donc, une fois que j’ai été contacté, je lance une conversation avec le directeur audio et son équipe, les directeurs créatifs et le producteur.
Une des premières étapes est d’estimer la « quantité » de musique que le jeu va nécessiter, car la plupart de nos créations font plus de 20 heures – certains jeux atteignent même les 80 tours de cadran. Évidemment, on ne peut pas créer autant de musique, il faut donc statuer sur la systématisation de certains passages et la customisation d’autres. En parallèle de ces discussions, je regarde le budget disponible pour faire des recommandations viables pour répondre à la commande.
“ Cette récompense est la source de nombreuses opportunités pour Ubisoft ”
LFT : Un mot de la fin pour conclure ?
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SL : Oui peut-être deux choses. Ce qui est certain, c’est que cette récompense est la source de nombreuses opportunités pour Ubisoft. À titre d’exemple, dans le cadre de « Mirage » le prochain titre de licence à sortir dans les mois à venir, nous avons enregistré avec le New York Arabic Orchestra, et il me semble que ce Grammy facilite la création de nouvelles collaborations aussi bien à l’interne qu’à l’externe. Aujourd’hui, quand je vais voir un producteur, je sens que j’obtiens plus d’enthousiasme.
Puis, soulignons qu’historiquement dans la branche musicale des jeux vidéo, il y a peu de femmes. De fait, ça rend la récompense de Stéphanie encore plus historique. J’en suis d’autant plus fier que je pense qu’elle va devenir un modèle. En tant que père d’une jeune fille, j’espère que cette récompense participe à faire tomber les barrières d’accès à cette industrie.
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