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« Au-delà de la mode » : la Mode de demain sera circulaire et augmentée… ou ne sera pas

Aujourd’hui les marques font face à de nombreux défis : nouveau paradigme de consommation mené par les jeunes générations, explosion du digital sur toute la chaîne de valeur, guerre des talents, … le tout sur fond de forte volatilité économique et d’une hyper-concurrence mondialisée. Sans oublier le plus grand défi de tous : celui de l’urgence climatique. Malik Adouani, directeur de Participations au sein du pôle Industries Créatives de Bpifrance, nous apporte son avis d’expert sur ces tendances de fond….

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Mode De Demain

Aujourd’hui les marques font face à de nombreux défis : nouveau paradigme de consommation mené par les jeunes générations, explosion du digital sur toute la chaîne de valeur, guerre des talents, … le tout sur fond de forte volatilité économique et d’une hyper-concurrence mondialisée. Sans oublier le plus grand défi de tous : celui de l’urgence climatique. Malik Adouani, directeur de Participations au sein du pôle Industries Créatives de Bpifrance, nous apporte son avis d’expert sur ces tendances de fond.

« Trente ans de développement hégémonique de la fast fashion ont créé une industrie de surconsommation et de surproduction« , affirme Malik Adouani, directeur de Participations au sein du pôle Industries Créatives de Bpifrance. On achète ainsi quatre fois plus de vêtements qu’il y a trente ans, on ne porte que le tiers de sa garde-robe, 50 % des vêtements de fast fashion sont jetés au bout d’un an et seulement 1% de nos vêtements est recyclé pour créer de nouvelles fibres.
Cette culture de la mode jetable a évidemment un impact désastreux sur l’environnement. La mode fait partie des industries les plus carbonées au monde. Pour cause : la matière, qui à elle seule représente 70% des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie, dont le tout puissant polyester. « La mode est par ailleurs la 3e industrie la plus consommatrice en eau, la faute notamment à la culture du coton, on en revient toujours à la matière« . Sans oublier les millions de tonnes de déchets produits par an et l’inefficacité de son recyclage.

Autre constat très alarmant : la désindustrialisation massive de la France. L’industrie textile a perdu 270 000 emplois depuis 30 ans. Plus de 95 % des vêtements vendus en France sont aujourd’hui produits ailleurs, notamment dans les pays de production à bas coût.
Mais si le sentiment général d’éco-anxiété grandit, de nombreux paradoxes sont encore à résoudre. En témoigne la croissance frénétique des volumes de la fast fashion et aujourd’hui de l’ultra fast fashion, Shein en tête. Le prix reste en effet le tout premier critère d’achat de nos vêtements, un paramètre d’autant plus difficile à travailler dans un environnement inflationniste.
La bonne nouvelle, c’est que la pression des consommateurs s’accentue malgré tout, et que la règlementation française et européenne devient de plus en plus contraignante. Les marques de mode n’ont donc plus le choix : elles doivent se métamorphoser.

La mode de demain sera circulaire… ou ne sera pas

Premier défi : la matière. « Les marques doivent minimiser l’impact environnemental de chaque produit en plaçant l’écoconception au cœur du processus de création des collections, et notamment en maximisant l’utilisation de matières écoresponsables, biologiques ou recyclées. Kiabi s’engage ainsi à ce que d’ici 2030, 50 % de ses produits contiennent au minimum 20 % de matières recyclées« , rappelle l’expert Bpifrance . Les marques doivent également travailler la durabilité de leurs produits, absolument indispensable à la massification des modèles circulaires – seconde main, location, et en bout de chaine, recyclage. Demain, on imagine même des fibres qui utiliseraient peu voire plus du tout de nouvelles ressources : des fibres issues de déchets alimentaires, cultivées en laboratoire, et même créées à partir d’émissions de carbone ! Des fibres encore en phase de prototypage, mais qui devraient être mis à l’échelle à horizon 2030.

Deuxième défi : la traçabilité des chaînes d’approvisionnement. Un sujet très complexe du fait de l’opacité du parc fournisseurs et de son instabilité dans le temps. Mais des innovations récentes vont nous y aider. La Commission Européenne souhaite notamment que dès 2024, chacun de nos vêtements soit équipé d’un « passeport digital », probablement basé à terme sur la blockchain. Le consommateur pourra alors accéder à une information complète (origine des matières, fabrication, impact carbone, indice de durabilité, de recyclabilité), fiable et standardisée sur chaque produit acheté, sous condition que l’industrie établisse des normes communes. On pourra ainsi faire la chasse au greenwashing, et avec la composition précise des vêtements, nous serons à même de mieux les recycler.

Nouveaux vêtements plus écoresponsables, plus durables, plus traçables… « mais gardons tout de même en tête que le vêtement le plus durable est celui qui se trouve déjà dans notre garde-robe« , complète Malik Adouani. Le marché de la seconde main représente déjà 10 % du marché total de l’habillement en France, et des taux de croissances annuels à deux chiffres. Pourtant, c’est un marché freiné par la qualité de l’offre disponible, et donc le nombre de vendeurs. Il faut donc faire circuler tous les vêtements qui dorment au fond de nos placards. Nous y arriverons en créant de véritables « expériences circulaires ». Demain, grâce aux passeports digitaux, nos garde-robes seront « connectées », « digitalisées ». Demain, une marque pourra nous envoyer une notification sur notre téléphone nous disant : « Voici la chemise que vous avez achetée il y a deux ans. Voici photos, description originale, taille ». Et cela nous prendra quelques secondes pour mettre en ligne l’article. Et une fois que les garde-robes de millions de consommateurs seront connectées, la marque pourra par ailleurs trouver très rapidement l’acheteur de ma chemise. L’expérience sera ainsi beaucoup plus simple et fluide, boostant le développement du marché.

La minimisation de l’impact environnemental de chaque produit, le développement de la seconde main et la mise à l’échelle du recyclage ne doivent pas éclipser un des problèmes originels de l’industrie : l’explosion des volumes. « Nous, consommateurs, devons au niveau le plus élémentaire consommer moins mais mieux, et redonner de la valeur à ce qu’est le vêtement, avec comme premières pistes de favoriser la réparation de ses vêtements et d’acheter un vêtement en seconde main, qu’on pourra par ailleurs revendre ensuite, qu’en fast fashion », note Malik Adouani. Et les marques doivent produire moins mais mieux, au plus près de la demande réelle des clients, en raccourcissant au maximum le temps et l’espace. « Raccourcir le temps », c’est en finir avec le système à deux collections par an et des taux d’engagement fournisseurs avant lancement des collections ne permettant aucun ajustement possible en cours de saison. Les marques doivent adopter une logique de « drops », commercialisés tout au long de l’année, avec moins de produits, mais mieux choisis grâce à la data et aux nouveaux outils d’intelligence artificielle. Les marques doivent par ailleurs « raccourcir l’espace », en maximisant la part des produits sourcés en circuit court pour gagner en réactivité, ce qui permet par ailleurs de répondre au grand défi de la réindustrialisation française et européenne. Sur ce point, le développement d’une véritable industrie textile 4.0, innovante et décarbonée, et de nouvelles logiques partenariales marques-fournisseurs, sera crucial.

En résumé, l’écoconception, la traçabilité, la production « à la demande » ou encore le renforcement de la seconde main seront possibles grâce aux nouveaux outils digitaux de data analytics, de blockchain ou encore d’IA. Mais cette conviction n’est pas suffisante. On n’achètera pas un vêtement seulement parce qu’il est en coton bio. On l’achètera également parce qu’il nous plait et que la marque incarne des valeurs, raconte une histoire qui nous parle. Au fond, la marque de demain, tout comme la réalité augmentée, doit-elle aussi « s’augmenter » : elle doit aller au-delà de son produit, elle doit sentir le moment, elle doit créer une émotion, elle doit faire rêver.

La mode de demain sera augmentée… ou ne sera pas

La mode sera augmentée à plusieurs titres : à la fois locale et globale, physique et digitale, réelle et virtuelle. Locale et globale : la marque de mode de demain, c’est une marque à l’identité forte, qui puise dans le « local » pour rayonner à l’international. Ce que fait brillamment Jacquemus, qui nous inspire le soleil, la lavande, le sud de la France… un ancrage très local, une histoire incarnée qui lui permet de faire rêver bien au-delà de nos frontières.

Physique et digitale : la marque de mode de demain, c’est une marque omnicanale. Un vêtement sur trois est désormais acheté en ligne, aujourd’hui sur l’e-shop des marques et chez les pure players spécialisés, demain sur des plateformes de livestreaming. Mais si les clients doivent désormais être recrutés majoritairement en ligne, les marques doivent conserver pour objectif principal de les faire venir en boutiques, à condition que celles-ci offrent ce que le digital ne permet pas : de la proximité et de l’émotion.
Réelle et virtuelle : la marque de mode de demain, c’est une marque connectée. Aujourd’hui aux plateformes de « social gaming », qui présentent déjà un énorme réservoir de futurs clients à adresser. Et demain dans les métaverses, qui vont s’étendre au-delà de la sphère des gamers pour inonder toute la société avec la démocratisation de la réalité mixte. Dans ce contexte, les NFTs pourraient devenir dans quelques années le point de contact digital central entre les marques et leurs communautés, et être contrôlés par la marque elle-même, laissant entrevoir de nouvelles méthodes de fidélisation et d’approfondissement de la relation client : nouveaux types de récompenses (digitales et/ou physiques), nouveaux modèles de service client, nouvelles formes d’interactions, avec les codes de la marque, plus expérientielles et gamifiées. Autre tendance de fond : le développement de la mode virtuelle. Les gamers dépensent déjà pour 40 Mds€ en vêtements virtuels in game. Demain, on pourra habiller nos avatars avec des pièces ultra-créatives signées des plus belles maisons de luxe et même auprès de marques « metaverse-native », comme RTFKT (rachetée par Nike en 2021)… et ce sans utiliser un seul mètre de matières.

Quels modèles gagnants demain ?

Le monde de la mode était autrefois plus simple : les tendances saisonnières faisaient l’objet d’un consensus, les modes de communication étaient moins nombreux et « descendants » et les marques rivalisaient grâce à une esthétique propre et des best sellers saisonniers. « Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La dynamique de création et de diffusion des tendances est désormais l’affaire des réseaux sociaux et des nombreuses communautés de goûts qui les composent », ajoute Malik Adouani. « Nous trouvons désormais une marque désirable car en achetant ses produits, j’accumule à la fois capital social (mon achat me permet de m’exprimer au sein d’une communauté), capital culturel (j’achète une histoire derrière le produit, je comprends les codes subtils derrière la marque, j’accède à une expérience) et capital environnemental« .

Dans ce contexte, les marques gagnantes de demain seront ainsi celles qui auront développé :

  • Un ADN de marque fort, singulier, qui capture « l’esprit du temps » ;
  • Une proposition de valeur au-delà du produit :
    • D’une part, elles créeront du désir qui a du sens, en s’engageant de manière holistique dans les défis environnementaux et sociaux du monde et en comprenant qu’elles ne pourront plus croitre par la seule augmentation des volumes de production, mais devront se « premiumiser» et raisonner avec de nouveaux relais de croissance tels que la seconde main ou encore les activités liées aux métaverses ;
    • D’autre part, elles redéfiniront leur rôle de simples distributeurs à véritables « plateformes de produits d’expériences », en développant une activité et un modèle basé sur la connexion et la cocréation horizontale avec leurs communautés.
  • Un modèle opérationnel data-driven et agile, au service du client (captation rapide des tendances, sourcing plus agile et plus local, disponibilité des produits au bon endroit, au bon moment, au bon prix) ;
  • Des points d’ancrage multiples, sources de croissance et de résilience : France et international, physique et digital, réel et virtuel, neuf et seconde main, produits et services.

Cette métamorphose demande des moyens, une vision claire pour les clients et portée par les équipes, la sécurisation des bons talents, une forme d’excellence dans la qualité de l’exécution, et une véritable culture de l’innovation, impliquant le désilotage des organisations, la mise en place de démarches « test & learn » et l’ouverture vers de nouveaux écosystèmes (innovations matières, data, web3, IA). Surtout, cette métamorphose demande une créativité singulière, une créativité puissante, une créativité augmentée.
« La bonne nouvelle, c’est que la France est un acteur majeur sur le marché mondial de la Mode et du Luxe, et compte les marques parmi les plus créatives et innovantes au monde, de Kiabi à AMI à nos fleurons du luxe. Et que Bpifrance a la capacité non seulement de les financer et de les accompagner, mais aussi et surtout de créer des ponts, de la transversalité entre la Mode, le Gaming, la Musique, le Cinéma, l’Industrie et les écosystèmes d’innovation. C’est comme ça qu’on ira dans la bonne direction, vers une mode pleinement ‘French Touch’ « .

 

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