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Cannes 2025 : « Imago » de Déni Oumar Pitsaev, lauréat de l’Œil d’or et du Prix French Touch du jury de la Semaine de la critique

Bonsoir Miramar ! La Semaine de la critique, dans le cadre de sa 64ème édition, a dévoilé son palmarès ce mercredi 21 mai. Le jury, présidé par Rodrigo Sorogoyen, a remis le Prix French Touch, qui récompense la créativité et l’audace d’un geste de cinéma unique, au réalisateur tchétchène Déni Oumar Pitsaev pour « Imago ». Ce premier long-métrage documentaire, qui sonde la communauté tchétchène exilée en Géorgie, a également remporté l’Œil d’or, qui récompense le meilleur documentaire, toutes sections confondues.

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SDLC 2025 Imago Cérémonie

Le Festival de Cannes, dans le cadre de sa 78ème édition, a une fois de plus été le théâtre de révélations cinématographiques marquantes. En attendant de savoir si la Palme d’or sera remise à Julia Ducournau pour « Alpha », à l’iranien Jafar Panahi pour « It Was just an Accident » ou encore au norvégien Joachim Trier pour « Sentimental Value » en compétition principale, la Semaine de la critique, section parallèle qui s’intéresse aux premiers et seconds films et dont la French Touch est partenaire, dévoilait mercredi son palmarès, lors d'une cérémonie qui venait clôturer une 64ème édition marquée par la diversité des propositions et la ferveur du public.

Parmi les prix décernés, c’est le tchétchène Déni Oumar Pitsaev qui s’est vu remettre le Prix French Touch du jury pour « Imago ». Un encouragement financier et une reconnaissance symbolique de l’excellence cinématographique. Ce prix, qui s’inscrit dans le cadre d’un partenariat entre la French Touch et la Semaine de la critique pour la quatrième année consécutive, vise en effet à mettre en lumière « la créativité et l’audace d’un geste de cinéma unique », comme nous l’explique Nicolas Parpex, pilote du plan Touch. « Imago » de Déni Oumar Pitsaev succède donc à « Aftersun » de Charlotte Wells primée du prix French Touch en 2022, « Il pleut dans la maison » de Paloma Sermon-Daï en 2023, et « Blue Sun Palace » de Constance Tsang, en 2024.

Et le succès de « Imago » ne s’est pas cantonné à l’Espace Miramar, où se sont déroulées projections et cérémonie : le film s’est aussi vu récompenser de l’Œil d’or, le prix décerné chaque année au meilleur documentaire du Festival de Cannes toutes compétitions confondues, par le jury présidé par Julie Gayet.

Cérémonie de clôture de la 64ème Semaine de la critique

Cérémonie de clôture de la 64ème Semaine de la critique

« Imago » de Déni Oumar Pitsaev : un documentaire pour raconter sa quête d'identité

« Imago » est un documentaire qui implique des traits du genre fictionnel. Le réalisateur, Déni Oumar Pitsaev, endosse aussi le rôle de personnage central, confronté à une dualité intrinsèque et poursuivant une quête pour trouver sa place. Le film, qui se présente comme un voyage intérieur mais aussi aux racines la mémoire collective, raconte son retour dans la vallée de Pankissi, une vallée isolée de Géorgie située à la frontière tchétchène, où traditions et héritage se heurtent aux velléités de libertés, aux rêves inaccomplis des uns et des autres, et à la difficulté de s’émanciper, sur fond de traumatismes laissé par la guerre et l'exil. Le titre, « Imago », fait d’ailleurs référence à un concept en psychanalyse et en biologie : l’imago en psychanalyse est une représentation psychique inconsciente des figures parentales, qui se construit à partir des expériences vécues par l’enfant avec ses proches, mêlées à des représentations culturelles. Tandis qu’en biologie, l’imago est le stade final du développement d’un individu qui passe par plusieurs phases : œuf, larve, puis imago, juste avant la mue. Ici, le terme devient une métaphore puissante de la quête de soi et de la nécessité de se transformer pour briser l’immobilisme affectif et culturel, auquel le personnage principal est confronté : si l’imago échoue, c’est toute la descendance qui se retrouve figée dans un état inachevé.

Déni Oumar Pitsaev évoque ces questions à travers des dialogues intimes et parfois douloureux – dont un échange poignant entre le personnage principal et son père dans les bois… – qui exposent le conflit latent entre tradition et désir de renouveau, entre les attentes familiales et sociales et les aspirations personnelles sans mettre quiconque en porte-à-faux, entre les blessures et les non-dits et le désir d’avancer. Sur le plan visuel (Sylvain Verdet et Joachim Philippe sont les deux directeurs de la photographie ayant travaillé sur le film), « Imago » est empreint d’une esthétique réfléchie et poétique, entre paysages grandioses de montagnes géorgiennes, plus austères d’environnements bétonnés, et des cadrages minutieux permettant de s’attarder sur des détails symboliques. L’équilibre de ces choix esthétiques renforce l’atmosphère méditative et « immersive » du film, et laisse la place pour construire progressivement une tension dramatique qui se densifie (le film est un « slow burner », qui désigne un film dont la narration prend son temps), mais ne devient jamais insupportable, grâce aux choix de montage de Laurent Sénéchal (ayant travaillé sur Anatomie d’une Chute, Palme d’or en 2023) et Dounia Sichov qui témoignent d’une volonté de laisser les émotions se déployer – une lenteur que certains spectateurs auront peut-être du mal à apprécier, mais qui traduit à la fois l’amour que les personnages se portent, la fragilité de leurs relations, et, pour certains, la volonté de se transformer, nous invitant à prendre aussi ce chemin.

Interrogé sur la Croisette quelques instants après la réception de son prix, le réalisateur témoigne : « Le tournage a duré six semaines, ce qui est assez court. Beaucoup de gens pensent que c'est film hybride entre fiction et documentaire, mais c'est purement un documentaire, il n'y a aucune fiction dans ce film. C'est le travail d'écriture, aussi lors du tournage et au montage, qui donne cet aspect fictionnel, mais il n'y a jamais eu de prise supplémentaire. Nous avons même cherché « abîmer » le film au montage, nous avons choisi les images qui tremblaient le plus et celles où les gens regardent le moins la caméra pour que l'on se rappelle que c'est bien un documentaire. Ma famille et amis ont très facilement accepté cette caméra au plus proche d'eux, ils étaient très disponibles, empathiques et ont ouvert leur cœur. J'espère que ce film leur rendra un peu de l'amour qu'ils m'ont donné. Je sais que ce film montre à la fois une grande tendresse mais aussi une distance avec les traditions tchétchènes, c'était le but. Le cinéma m'a permis de tout concilier. Pour le côté visuel, je me suis beaucoup inspiré de la peinture et d'un réalisateur Olivier Laxe et de son film Viendra le feu, (film sorti en 2019, ayant remporté le Prix du Jury dans la section Un Certain Regard. Olivier Laxe présentait cette année son film Sirat en compétition officielle, ndlr) ».

« Imago » de Déni Oumar Pitsaev est une œuvre originale, pleine d’audace, qui interpelle autant que par l’émotion qu’elle procure que par la qualité esthétique proposée. En lui remettant le Prix French Touch du jury, la Semaine de la critique, véritable tremplin pour la nouvelle génération de cinéastes, confirme son rôle essentiel dans la découverte des talents qui contribuent à redéfinir les contours du cinéma contemporain, et l’importance de la French Touch dans le soutien à l’innovation dans l’art cinématographique en France.

SDLC 2025 Imago Affiche

SDLC 2025 Imago Affiche

Cannes 2025 : Le palmarès complet de la 64ème Semaine de la critique

Grand prix : A Useful Ghost de Ratchapoom Boonbunchachoke

Prix French Touch du jury : Imago de Déni Oumar Pitsaev

Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation : Théodore Pellerin pour Nino de Pauline Loquès

Prix Découverte Leitz Cine du court métrage : L’mina de Randa Maroufi

Grand Prix AMI Paris : A Useful Ghost de Ratchapoom Boonbunchachoke

Prix Fondation Gan à la Diffusion : Le Pacte, distributeur français pour Left-Handed Girl de Shih-Ching Tsou

Prix SACD : Guillermo Galoe et Victor Alonso-Berbel, auteurs de Ciudad sin sueño

Prix Canal+ du court métrage : Erogenesis de Xandra Popescu

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