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Charlotte Juillard, designer lauréate du French Design 100 : « On a quelque chose à défendre à l’étranger »

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6 min

Charlotte Juillard

Du 20 janvier au 21 février se déroule la deuxième édition du French Design 100, un festival numérique qui fait rayonner le design français dans monde. Charlotte Juillard, l’une des cent lauréats de cette édition 2022, nous parle de ce que représente ce prix et de l’évolution de son métier dans un monde en transition.


Une sensibilité créative qui s’exprime dans le design. Diplômée de l’école d’architecture intérieure et de design Camondo en 2011, Charlotte Juillard s’impose dix ans plus tard comme une étoile montante du design à la française. Après avoir travaillé avec des marques comme Ligne Roset, Duvivier ou Molteni, elle est aujourd’hui lauréate pour la seconde fois du French Design 100, le festival numérique récompensant les créations qui font rayonner le design français à l’international.

La French Touch : Vous êtes lauréate du French Design 100. Qu'est-ce que ce prix représente pour vous ?

Pour moi, c’est vraiment une reconnaissance de mon travail et de mon implication par la profession. Recevoir un prix, entourée de personnalités très influentes et reconnues, ça valorise mon travail et me persuade que j’ai choisi la bonne carrière. Et ça va même plus loin, car ce prix est remis à l’Elysée en présence du chef de l’Etat, et ça pour une « jeune » designer, c’est fabuleux. Ça donne vraiment envie continuer.

Ce prix vise à faire rayonner la création française à l’international. Être Français, est-ce un plus quand on est designer ?

Je pense que la France à un rôle à jouer et est un poids dans ce domaine. Ce qui est intéressant, c’est qu’on a une vraie histoire avec le design en France. Aujourd’hui, de grands noms rayonnent à l’international comme Philippe Stark, parrain du French Design 100, ou dans sa lignée les frères Bouroullec également lauréats de cette édition. Mais être Français, c’est aussi un plus car nous avons de très bonnes écoles de design dans l’Hexagone. Personnellement, je travaille beaucoup avec des entreprises étrangères, notamment en Europe, qui sont friandes des designers français et de leur « touch’ ». Le designer français n’a plus grand-chose à prouver, il est clairement reconnu.

“ Je peux affirmer qu’on a quelque chose à défendre à l'étranger ”

Il existe donc une French Touch dans le design ?

Je pense que oui, mais la définir en un seul mot, c’est impossible ! Je dirais plutôt qu’il existe culturellement en France un sens de l’esthétique, du beau, de l’artisanat – que ce soit dans l’architecture d’intérieur ou dans le design avec un traitement d’échelle différent. Je ne peux pas dire qu’il existe un style français, car chaque designer a signature. Mais en ayant peu voyagé, je peux affirmer qu’on a quelque chose à défendre à l’étranger. Un sens du détail, un héritage historique, un patrimoine qui fait que le beau est important du point de vue d’un créateur. On a donc le devoir de promouvoir ce style car le sens du beau s’exporte et se valorise à l’étranger.

Vous pouvez nous en dire plus sur la pièce pour laquelle vous avez été récompensée ?

C’est une collection d’assises – une chauffeuse, un fauteuil et maintenant un canapé – appelée LAIME que j’ai développé avec la jeune maison Noma. Je travaille avec eux depuis bientôt quatre ans maintenant. Ils sont précurseurs dans leur domaine : faire du beau avec du recyclé. C’est un sujet qui me tient à cœur et cette collaboration fait beaucoup de sens pour moi. La structure du fauteuil LAIME est en tube 100% recyclé, une matière intéressante à travailler. Il faut savoir que le métal est un matériau qui se recycle très bien. L’assise quant à elle est en mousse recyclée, une matière plus compliquée à sourcer. Et cette collection a été appréciée : des pièces vont être présentes dans certains salons des JO 2024 à Paris et d’autre projets à l’étrangers.

“ L’industrie ne ralentit pas car les ventes ont explosé avec le Covid, mais les consciences changent ”

Le monde du design s’engage donc sur la voie de la transition écologique et énergétique ?

Je sens une accélération et une prise de conscience phénoménale dans le monde du design depuis trois ans environ. Mais la pandémie a accéléré ce phénomène. Il y a quelques années encore, le design suivait la voie de la mode : on créait beaucoup car les gens avaient envie de changer de mobilier comme ils changeaient de vêtement. Aujourd’hui, l’industrie ne ralentit pas car les ventes ont explosé avec le Covid, mais les consciences changent. Désormais, on sent que les gens ont envie de posséder du mobilier pérenne, durable qu’ils pourront conserver ou recycler. Et ils sont donc prêts à investir plus, sont à la recherche de savoir-faire local, d’objets fabriqués en France ou en Europe.
Tous ces changements permettent au secteur d’évoluer. Je le vois avec les marques avec lesquelles je travaille qui commencent à réfléchir sur le pourquoi elles produisent et surtout comment. Par exemple, Made.com envisage d’arrêter de tout produire en Asie, et de revoir une partie de ses circuits et de ses matières premières. Pour un designer, c’est extrêmement important et source d’inspiration. Je suis assez enthousiaste face à cette vague écologiste et d’achat raisonné.

Au-delà de l’écologie et de l’écoconception, qu’est-ce qui vous inspire aujourd’hui ?

Ce qui me motive, c’est la matière, le savoir-faire et dénicher des choses un peu particulières. Les contraintes sont différentes selon les matières qu’on utilise pour chaque projet, c’est ce qui est fabuleux dans notre profession. Chaque projet nous ouvre un nouveau champ d’exploration et d’apprentissage. Souvent, j’envoie une ébauche à un artisan et après on en discute. J’aime dire que mes dessins sont faits à quatre mains. Le designer impulse la ligne, mais rien ne peut se faire sans les artisans, les fabricants qui apportent des solutions et peuvent modifier le dessin en fonction de leurs contraintes techniques. Le design est un travail collaboratif.

Justement, quelle est la dernière découverte qui a donné naissance à une pièce ?

Ce n’est pas une vraie découverte car je connaissais le procédé, mais dernièrement j’ai collaboré avec un ébéniste qui travaille le bois brûlé. A l’origine, c’est une technique japonaise appelée shou sugi ban. Ça m’avait fasciné, et j’ai eu envie de m’en emparer. Je vais donc sortir un tabouret en bois brulé. Mais je pense aussi à une technique de céramique ancestrale : la terre mêlée. Il s’agit d’un mélange de terres colorées qui va créer des effets de marbrures. Ces savoir-faire sont une vraie source d’inspiration et sont à préserver car ils sont l’essence même du succès français dans le monde du design.

 

Crédits photos : CharlotteJuillard @LuceRoux NOMA-LAIME-Ecru-detail-dos ®Studio-Swissmiss

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