Voir la musique pour mieux la comprendre : Synegram révolutionne l’apprentissage musical
A l'occasion du lancement de la France Music Week par la ministre de la Culture, la French Touch vous propose ce portrait de Synegram, une startup dont l'ambition est de transformer radicalement notre rapport à la musique. Développée par Pierre Blaise Dionet et ses associés Rémi Grosson, Mathias Arlaud et le compositeur Charlie Nguyen Kim, Synegram est une plateforme d’apprentissage et de création innovante qui rend la musique visuelle, logique et intuitive grâce à une nouvelle manière de voir, comprendre et créer la musique.
Il y a mille ans, le moine Guido d’Arezzo inventait la notation sur portée, posant les bases d’un langage musical universel encore utilisé aujourd’hui. Mais ce système, figé depuis des siècles, n’a pas évolué avec les technologies modernes — ni avec la manière dont les gens apprennent aujourd’hui.
Faisons un bond dans le présent : les chants liturgiques existent toujours, mais le paysage musical, lui, a radicalement changé. Grâce à l'essor de la MAO (musique assistée par ordinateur) et à l'intégration d'algorithmes intelligents dans les outils de création, les artistes disposent aujourd’hui de palettes expressives infinies. On compose, on modifie, on superpose : effets, textures, ambiances, structures rythmiques complexes…
Pourtant, la notation musicale, elle, est restée pratiquement inchangée depuis l’époque de Guido d’Arezzo. Et avec elle, un système d’apprentissage fondé sur le solfège traditionnel, souvent perçu comme rigide, abstrait — voire décourageant pour de nombreux aspirants musiciens.
Une situation dont s’est étonné Pierre-Blaise Dionet, un musicien autodidacte qui voit la musique en forme quand il joue. S’il a étudié la musique classique, c’est surtout en expérimentant seul qu’il découvre une nouvelle façon de l’appréhender, loin des codes traditionnels. Une rencontre avec le musicien de jazz Jean Védrine joue un rôle clé : ce dernier l’initie à une approche plus sensorielle et personnelle de la musique. « La musique bouge, elle est vivante, abstraite, pourquoi ne ferait-on pas vivre aussi l’apprentissage musical, avec des outils qui intègrent l’interactivité et la visualisation mentale ? »
Synegram, une nouvelle façon de « voir » la musique
Rendre la musique visuelle et logique : cette idée simple, presque évidente, devient le mantra de Pierre Blaise Dionet pendant plus d’une décennie. Il commence à explorer seul une autre manière d’apprendre la musique, fondée sur la perception et suivant l’intuition logique, à rebours des méthodes traditionnelles.
Dès 2010, il esquisse ses premières structures sur papier. Il élabore petit à petit une logique visuelle de la musique, qu’il partage en 2018 lors d’un TEDx. À l’époque, cette vision en est encore au stade d’intuition — certes, mais suffisamment puissante pour soulever des débats.
En 2020, avec son ami le pianiste David Bensimhon, en analysant la théorie de la flat 6th de Barry Harris (une approche harmonique qui enrichit l'improvisation jazz, ndlr), il prennent conscience de la puissance de l’idée. Une théorie musicale complexe peut-être visualisée simplement. Cette révélation aboutit à la création d’un concept mental : le Diamant, un modèle visuel qui condense de nombreux concepts musicaux de théorie musicale et remet en cause certaines approches d’enseignement. D’intuition, Synegram devient un outil puissant de compréhension de la musique. « C’était une sorte de confirmation intellectuelle de ce qui n’était encore qu’une intuition, un moment qui restera gravé », se rappelle Pierre-Blaise Dionet.
Concrètement, la plateforme s’inspire de la synesthésie, un phénomène neurologique dans lequel une personne associe involontairement plusieurs sens — comme voir des couleurs en entendant de la musique, ou percevoir des formes en goûtant certains aliments. Elle permet ainsi de visualiser les notes, les intervalles et les accords sous forme de figures géométriques disposées sur un cercle chromatique. D’où sa promesse : voir la musique, pour mieux en comprendre les structures harmoniques et mélodiques, et rendre l’apprentissage plus intuitif. Pour son fondateur, c’est un peu comme « voir à travers la matrice » de la musique. Synegram développe également un algorithme sémantique intelligent et auto-apprenant, qui offre un retour en temps réel, affine l’analyse des mouvements harmoniques, et adapte les recommandations en fonction du niveau et des objectifs de chaque utilisateur. En substance, Synegram, c’est 1 produit, 3 innovations :
- Une interface révolutionnaire qui transforme la musique — accords, mélodies et mouvements harmoniques — en formes géométriques logiques : 12 formes primaires issues d’un cercle, visualisées par des points, des lignes et des figures.
-Un algorithme intelligent et auto-apprenant qui assiste l’analyse harmonique en temps réel et guide l’apprentissage grâce à des prédictions contextuelles.
-Une méthode pédagogique innovante, inspirée des techniques d’apprentissage des philosophes grecs, qui encourage la pensée visuelle, le raisonnement logique et l’autonomie
Sans oublier une dimension recherche essentielle, grâce à la mise en place de collaborations avec des laboratoires de recherche en mathématiques fondamentales dans le domaine de l'analyse harmonique et de l'optimisation des mouvements harmoniques.
L’outil s’adresse en priorité aux professionnels : l’équipe développe un écosystème complet à destination des professionnels, comprenant des plugins VST, des instruments virtuels, et même des supports physiques intégrant l’approche visuelle. Mais les amateurs peuvent aussi se l’approprier et progresser. « Synegram n’est pas un jeu ou une distraction. Ce n’est pas le Duolingo ou le Candy Crush de la musique. C’est une véritable méthode d’apprentissage, conçue pour progresser avec plaisir — sans que cela ne devienne une contrainte », résume l’entrepreneur. Il insiste sur l’accessibilité de la plateforme, grâce à un langage visuel universel et une prise en main intuitive. L’autonomie est également au cœur de la démarche : Synegram est utilisable facilement depuis un téléphone, partout, à tout moment.
South by Southwest : Synegram lauréat du prix de l’Expérience Audio au SXSW Innovation Award 2025
Depuis sa création, Synegram s'est entourée de nombreux acteurs de l'innovation qui l'ont accompagnée et soutenue dans son développement. L'entreprise faisait partie de la délégation menée par Bpifrance et la French Touch lors du festival tech et influence South by Southwest en 2024, un premier contact avec l'écosystème américain. Ce travail de fond a porté ses fruits dès l'édition 2025, où Synegram a remporté le SXSW Innovation Award dans la catégorie Audio Experience. « Nous avions South by Southwest en ligne de mire et notre expérience en 2024 avec la délégation French Touch a été marquante et enrichissante. Nous avons travaillé très dur, dans l'ombre, pour y arriver. C'est une magnifique consécration pour nous, qui nous ouvre énormément de portes. »
Synegram finalise actuellement ses tests avec près de 1000 bêta-testeurs et entre dans une phase de pré-lancement structurée aux États-Unis et en Europe. Une boutique « laboratoire » a ouvert en France, et bientôt une autre aux Etats-Unis d'ici la fin de l'année à Montclair, New Jersey.
Parallèlement, l'équipe prépare une exposition artistique immersive d'envergure intitulée I SEE MUSIC, développée avec Velvet Flare (studio d'art numérique et immersif basé au Luxembourg), qui sera présentée en octobre 2025 au musée GRID X (espace innovant rassemblant activités culturelles, artistiques, commerciales et technologiques, basé au Luxembourg).
Synegram bénéficie aussi du soutien de la Music Tech Europe Academy, un programme qui lui permet d'élargir son réseau et d'affiner sa stratégie avec des mentors comme Georgia Taglietti, Turo Pekari, Margaux Lefevre ou Olivier Zephir. L'équipe se prépare également à présenter le projet au festival Sónar à Barcelone, en partenariat avec l'académie.