Le web3 va-t-il rendre internet plus éthique et responsable ?
« Vers un nouveau web éthique et responsable ? ». C’est le débat mené lors de la 2e édition de We Are French Touch en présence de trois représentants de la « web économie » : Martin Signoux (Meta), Louis Cacciuttolo (VRrOOm) et Lucie-Eléonore Riveron (NFT Factory). Le nouveau web est-il éthique et responsable ? Si la question pouvait déjà se poser dans les années 90 avec la naissance de l’Internet, elle s’est précisée avec l’apparition des réseaux sociaux qui…
« Vers un nouveau web éthique et responsable ? ». C’est le débat mené lors de la 2e édition de We Are French Touch en présence de trois représentants de la « web économie » : Martin Signoux (Meta), Louis Cacciuttolo (VRrOOm) et Lucie-Eléonore Riveron (NFT Factory).
Le nouveau web est-il éthique et responsable ? Si la question pouvait déjà se poser dans les années 90 avec la naissance de l’Internet, elle s’est précisée avec l’apparition des réseaux sociaux qui ont marqué l’avènement du web2. Avec l’arrivée du web3 et de nouveaux outils comme les cryptomonnaies, NFT et blockchains, la question se pose de nouveau.
Le web3 est une évolution d’Internet où la propriété digitale est rendue possible. Il faut bien le distinguer du metavers et des technologies immersives. « On met trop souvent dans le même sac blockchain, NFT et réalité augmentée, alors que ce sont les NFT qui permettent cette propriété ainsi que le transfert de propriété. Les NFT sont la pierre angulaire du web3. », pose d’emblée Lucie-Eléonore Riveron. Cette ancienne dirigeante de maison de ventes aux enchères pilote désormais la NFT Factory. Situé en face du Centre Pompidou à Paris, ce lieu défend justement les principes du web3. Cette évolution de l’internet a permis une véritable révolution dans différents secteurs comme le monde de l’art contemporain par exemple. « Dans mon ancien métier, je n’avais jamais vu une seule œuvre d’art numérique se vendre, témoigne-t-elle. À l’époque il n’y avait quasiment pas de marché si ce n’est quelques très rares collectionneurs et collectionneuses d’art numériques tout simplement parce qu’il n’existait pas d’outil de commercialisation. Si les NFT n’ont pas inventé l’art numérique, ils permettent en revanche sa commercialisation. Ils ont créé de la rareté dans un monde numérique reproductible à l’infini ».
Vers un capitalisme 3.0 ?
Première question posée sur cette table ronde : le web3 nous entraine-t-il vers un capitalisme 3.0 ? « Celui-ci s’est fondé sur l’idéologie des cyberpunks qui prônaient la décentralisation absolue, confirme Lucie Eléonore Riveron. On sait par exemple qu’ils ont inventé les bitcoins pour se passer des banques ». Toutefois, l’invention de la pleine propriété sur le web, y compris d’un bien immatériel, profite aussi à l’internaute. Sur le web3, ce dernier n’a plus l’obligation de décliner son identité. Il est représenté par son « wallet », c’est-à-dire un portefeuille numérique, qui joue à la fois le rôle de carte d’identité, de carte bancaire, de coffre-fort… Il permet ainsi d’avoir une identité numérique quasiment déconnectée de l’identité physique. « L’internaute devient propriétaire de ses données », explique-t-elle.
Avec le web3, on se familiarise donc avec la notion de « pseudonymat ». Si aucune trace de l’identité n’est possible, comment imaginer, dans ce contexte, un web plus éthique et responsable ? « Une véritable régulation de la communauté web3 s’opère naturellement, poursuit Lucie Eléonore Riveron. On ne peut pas faire n’importe quoi puisque la blockchain est transparente par définition.» De son côté, le fondateur de VRrOOm, Louis Cacciuttolo expose le cas concret de sa plateforme de spectacle vivant. « VRrOOm est membre d’un think tank californien qui réfléchit à toutes les potentielles dérives physiques ou virtuelles. Agression, racisme, etc. Il existe aussi d’autres entités de vigilance comme le Conseil national de la XR (une organisation qui vise à fédérer, structurer et développer une filière d’excellence française en matière de technologies immersives, ndlr) en France à travers lequel il est possible d’intégrer des outils de modération à notre plateforme. Sans oublier bien sûr la traçabilité des données qui, même si on ne les exploite pas, peuvent servir dans certains cas ». Louis Cacciuttolo, évoque également les histoires de harcèlement ou d’agressions sexuelles sur des avatars dans le métavers. Il existe déjà sur certaines plateformes la possibilité de se doter « d’un cercle d’intimité », rappelle-t-il. L’avatar peut ainsi décider lui-même de la distance qui le sépare d’un autre.
Vers un web sans intermédiaire ?
Autre sujet que le web3 met sur la table : la désintermédiation. Peut-on imaginer un web où l’on se passerait d’intermédiaire et où l’internaute gèrerait finalement lui-même ses données ? « C’est l’intérêt du NFT puisqu’il permet une décentralisation qui permet au créateur de contenu d’être en lien direct avec le consommateur. Cela garantit une pérennité. », intervient Lucie-Eleonore Riveron. Par exemple : au lieu de passer par Spotify ou Deezer pour écouter de la musique, la plateforme du web3 connecte directement l’artiste au consommateur en prenant une commission . La musique appartient à celui qui l’a achetée. « Alors que si Deezer ou Spotify mettent la clé sous la porte, vous perdez tout votre contenu », fait-elle observer.
L’occasion pour Martin Signoux, responsable affaires publiques chez Meta, de soulever la question de l’interopérabilité : « L’intérêt de l’interopérabilité est que si vous consommez de la musique sur une plateforme « X » et que cette plateforme disparaît vous pourrez faire basculer vos données sur la plateforme « Y » en un claquement de doigts ». Mais les plateformes vont-elles jouer le jeu de cette interopérabilité puisque leur but est de garder le plus possible les utilisateurs captifs, interroge le journaliste modérateur Raphaël Bloch (The Big Whale). « Si aujourd’hui vous demandez à Instagram d’être interopérable avec Twitter, ce n’est plus possible parce que les protocoles et les formats utilisés ne sont pas les mêmes, explique Martin Signoux. La vision que défend Meta sur ces nouveaux espaces immersifs est justement de pouvoir réunir suffisamment en amont les acteurs intéressés autour d’une table afin de créer ces standards facilitant cette interopérabilité. » En juin dernier Meta a ainsi rejoint le « Metaverse Standard Forum » initié notamment par Epic Games. Ce forum qui réunissait au départ vingt entreprises et dix organismes de standardisation militant pour cette interopérabilité en compte à ce jour environ 1 700 acteurs.
Vers un web neutre en carbone ?
Enfin, on ne peut parler de web éthique et responsable sans évoquer les thèmes de la consommation énergétique et de l’empreinte numérique. Pour le fondateur de VRrOOm, c’est un chantier de taille qui concerne énormément d’acteurs : « Chacun doit apporter sa pierre à l’édifice. En ce qui concerne VRrOOm nous essayons d’optimiser la taille et le poids de nos contenus et de travailler avec des serveurs plus « green » que d’autres. C’est de toute façon la tendance et on ne peut s’y soustraire : notre public, qui est extrêmement jeune, est à l’affut de toute dérive et exagération sur ces sujets-là. » Lucie Eléonore Riveron confirme que depuis septembre Ethereum, la plus grosse blockchain de support de NFT, est passé sur un protocole beaucoup moins consommateur d’énergie. « Une transaction sur Ethereum est l’équivalent d’un envoi de mail sans pièce jointe », explique celle pour qui le numérique représente surtout une chance « puisqu’il permet de réduire l’impact écologique des autres usages ».
Le responsable de Meta, lequel aurait atteint la neutralité carbone en 2020 (scope 1 et 2, c’est-à-dire sans la prise en compte des émissions indirectes couvertes par le scope 3) , la rejoint sur ce point : « L’Université de technologie de Chalmers en Suède, qui a étudié l’utilisation des technologies immersives dans certaines industries, arrive à la conclusion qu’en améliorant le processus de prototypage des produits grâce aux technologies immersives, l’impact « in fine » est positif sur les émissions. Donc il ne faut pas opposer l’usage numérique, et encore moins celui des technologies immersives, à l’impact environnemental. Il y a une vraie possibilité d’avoir un gain d’énergie derrière ».
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