EdTech musicale : Synegram révolutionne l’apprentissage de la musique
Inspirée par la synesthésie, la plateforme innovante Synegram rend la musique visuelle, logique et intuitive grâce à l’intelligence artificielle sémantique. L’entreprise dirigée par Pierre Dionet et ses associés Rémi Grosson et Mathias Alraud ainsi que le compositeur Charlie Nguyen Kim, faisait partie de la délégation menée par Bpifrance et la French Touch au festival tech South by Southwest, dont elle a remporté un Innovation Award, en 2025.
Nous sommes au 10ème siècle. Guido d’Arezzo, un moine bénédictin italien (né en 992, décédé après 1033), développe un système de notation musicale sur portée. Il introduit des lignes horizontales pour placer les notes, avec des clés pour les reconnaître. Une invention, elle-même issue de plusieurs siècles d’évolution de l’écriture musicale depuis la Grèce Antique, qui modifie à tout jamais notre rapport à la musique. Elle permet la transition d’une tradition orale vers une écriture musicale précise et standardisée. Cela facilite considérablement l’apprentissage et la diffusion des chants liturgiques à travers l’Europe médiévale, et constitue la base des partitions telles que nous les connaissons aujourd’hui. Un langage universel, une évidence encore de nos jours, pour toute personne pratiquant un instrument ou apprenant le chant.
Faisons un bond dans le présent : les chants liturgiques sont toujours là, mais c’est peu dire que la musique a changé ! L’intelligence artificielle et d’autres technologies telles que la MAO (musique assistée par ordinateur), sont désormais autant d’aides à la création. Il est désormais possible de choisir une identité musicale et d’y inclure toutes sortes d’effets, bruitages ou ambiances, ou encore d’incorporer à un style principal une grande variété de patterns (motif rythmique ou mélodique, ndlr). Pourtant, la notation musicale n’a, elle, pas évolué depuis Guido d’Arezzo, pas plus que l’apprentissage qui en découle – passer par le solfège pour apprendre à lire une partition... fréquemment douloureux, souvent décourageant.
Une situation dont s’est étonné Pierre-Blaise Dionet, originaire de Clermont-Ferrand, lui-même musicien passé par un cursus musical, mais qui apprend véritablement à jouer grâce à Jean Védrine, musicien de jazz dont l’approche est faite de textures et de sensations à reproduire et non pas de notes à lire. Une technique qui a invité plus tard le jeune Auvergnat à se demander : « la musique bouge, elle est vivante, abstraite, pourquoi ne ferait-on pas vivre aussi l’apprentissage musical, avec des outils qui intègrent l’interactivité ? » D’autant que, selon lui, sans cette interactivité et avec un apprentissage classique qui se base sur des fréquences, il est beaucoup plus difficile de comprendre la structure harmonique d’une composition, l’ossature sur laquelle repose une musique et qui définit l’expression émotionnelle de l’ensemble. Il fonde Synegram, persuadé qu’il était possible de développer un nouvel outil pour apprendre la musique. Un outil plus facile, visuel, logique… une nouvelle méthode plus accessible et efficace.
Synegram, une nouvelle façon de « voir » la musique
Rendre la musique visuelle et logique grâce à des outils mentaux : un mantra simple mais puissant qui guidera le fondateur de Synegram pendant 12 ans, de manière indépendante. Le temps nécessaire pour développer cette plateforme EdTech (Education Technology, désigne l’ensemble des technologies et innovations numériques appliquées à l’éducation et à la formation, ndlr) à l’intersection de la musique, de la technologie et de l’éducation. Une intuition, qui commence par des dessins sur un bout de papier et se traduit petit à petit par des logiques, des structures, qu’il expose dans une conférence TEDx en 2018, alors que son idée, il l’admet, était encore contestable. Puis en 2020, en pleine pandémie, il décortique avec le pianiste David Bensimon une théorie de jazz en la retranscrivant visuellement, ce qui l’amène à établir ce qu’il nommera le diamant de Synegram. Un modèle visuel synthétique des éléments de la musique, qui rend possible la visualisation de concepts musicaux, et la transformation d’abstractions théoriques en éléments tangibles (la théorie des gammes soit l’organisation des notes qui définissent la tonalité et l’ambiance d’une composition, la théorie des modes soit l’organisation des notes selon des schémas qui influencent la couleur sonore d’une composition, la fusion soit un genre qui combine plusieurs styles pour créer une sonorité unique…). « C’était une sorte de confirmation intellectuelle de ce qui n’était encore qu’une intuition, un moment qui restera gravé », se rappelle Pierre-Blaise Dionet.
Concrètement, la plateforme s’inspire de la synesthésie, un phénomène neurologique dans lequel une personne associe involontairement plusieurs sens, comme voir des couleurs en entendant de la musique, ou percevoir des formes en goûtant certains aliments. Synegram permet ainsi de visualiser les notes, les intervalles et les accords par le biais de formes géométriques sur un cercle chromatique, d’où la promesse de « voir » la musique, censée faciliter la compréhension des structures harmoniques et mélodiques, et rendre l’apprentissage plus intuitif. Synegram intègre aussi un modèle d’IA qui offre un retour en temps réel, aidant les utilisateurs à affiner leurs compétences grâce à des visualisations interactives et adaptant les recommandations en fonction du niveau et des objectifs de chaque utilisateur. Pour le fondateur, c’est un peu comme « voir à travers la matrice » de la musique.
L’outil s’adresse en priorité aux professionnels, mais les amateurs peuvent aussi se l’approprier, et progresser. « Synegram n’est pas un jeu ou une distraction. Ce n’est pas le Duolingo ou le Candy Crush de la musique. C’est une véritable méthode d’apprentissage de la musique, faite pour progresser, mais avec plaisir, sans que cela ne soit une punition », résume l’entrepreneur. L’intéressé insiste sur l’accessibilité de l’outil, évidemment du fait du langage universel proposé et de la facilité de prise en main. Également financièrement, si l’on compare sa solution au coût d’une formation musicale au conservatoire. Et bien entendu en matière d’autonomie : on peut y accéder aisément, via son téléphone.
South by Southwest : Synegram lauréat du prix de l’Expérience Audio au SXSW Innovation Award 2025
Depuis sa création, Synegram a rapidement gagné en notoriété et a cherché à s’établir sur de nouveaux marchés. L’entreprise faisait partie de la délégation menée par Bpifrance et la French Touch lors du festival tech et influence South by Southwest, en 2024. Un premier pas sur le marché américain qui lui a sans doute permis, lors de l’édition 2025, de remporter le prestigieux prix de l’Expérience Audio, lors des SXSW Innovation Awards pour le projet intitulé « I SEE MUSIC! », une expérience audio multisensorielle. « Nous avions South by Southwest en ligne de mire depuis des années et avons travaillé très dur, dans l’ombre, pour y arriver. C’est une magnifique consécration pour nous, qui nous ouvre énormément de portes. » Preuve que Synegram a fini de faire ses gammes ? Interrogé sur les prochaines étapes pour sa société, Pierre-Blaise Dionet répond être en contact avec le LIMOS (Laboratoire d'Informatique, de Modélisation et d'Optimisation des Systèmes, rattaché à l’Université Clermont Auvergne et à l’EMSE, l’École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne), pour ses expertises en mathématiques fondamentales et en machine learning, dans le but de continuer de développer sa solution. Puis, d’aller plus loin dans le renforcement de sa propriété intellectuelle, avec comme objectif une stratégie de lancement sur le marché américain. Et de poursuivre sa promotion, en lien avec des expositions d’art.
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